
Le bidonville de Metro, près du
stade de Maracana, a été expulsé et détruit © REUTERS / Ricardo Moraes
Nouveaux stades, aéroports rénovés,
lignes de transport modernisées… A l’approche de la Coupe du monde, des
centaines milliers de personnes ont aussi été expulsées de leurs logements.
Reportage à Rio, l’une des villes les plus touchées.
A quelques centaines de mètres du stade
de Maracanã, l’un des plus grands du Brésil
et du monde, Eomar regarde un tas de décombres en bordure de route. Il y a
quelques mois encore, sa petite maison de briques rouges, qu’il avait lui-même
construite, se trouvait là. 19 ans de sa vie. Elle a été démolie comme toutes
les autres de cette favela, décrétée “zone
à risque“. Eomar n’y a jamais cru.
“Le plus grand risque pour nous, c’est surtout
que nous étions à 500 mètres du Maracanã… Et qu’ils ne voulaient pas que nos
maisons de pauvres l’enlaidissent.”
Il raconte une expulsion “très humiliante” :
“Ils ont d’abord fait partir une partie de la
communauté pour détruire leurs maisons, puis c’est devenu une terre de
non-droit. J’ai vécu 2 ans à côté des insectes, des rats, des drogués, sans eau
et sans électricité.”
Eomar a ensuite été cambriolé huit
fois par des “drogués au cracks qui [le] volaient
pendant qu’ [il] était au travail“. Il a donc décidé de rester
chez lui, quitte à perdre son emploi.
Des expulsions peu réglementaires
Au Brésil, les populations pauvres font
figure de cibles faciles. Comme elles sont peu éduquées et mal armées pour se
défendre, les abus sont nombreux. L’ONU dénonce depuis 2010 des
violations des Droits de l’homme dans les favelas, notamment un manque d’information
des habitants et un relogement bien au-delà des 7 kilomètres maximum
règlementaires. La liste des illégalités est longue. Renata Neder, d’Amnesty
International, a lancé la campagne “Stop
aux expulsions forcées“. Il explique:
“Les
familles ont souvent été prévenues au dernier moment. Parfois on leur disait le
matin qu’ils devaient quitter leur logement pour le soir même. Et là, elles
étaient souvent envoyées à 50 ou 60 kilomètres, ce qui est totalement
inacceptable et qui a un impact très négatif sur leur vie.”
Renata
critique également des indemnisations très faibles dans certains cas, et des
pressions psychologiques, voire même des menaces à l’encontre des habitants
pour les faire partir.
La
ségrégation sociale amplifiée par les grands événements sportifs
Selon de nombreuses associations, les
grands événements sportifs sont devenus un prétexte rêvé pour les autorités
pour détruire les favelas, embellir la ville et réaliser des projets
immobiliers d’envergure, comme des parkings. C’est ce qu’assure Carlos Vainer,
professeur de Planification urbaine à l’Université fédérale de Rio.
“On sait qu’à Rio la spéculation foncière aggrave
la ségrégation sociale, y compris par des expulsions vers des zones de plus en
plus lointaines… C’est ça le terrible leg des Jeux et de la Coupe du
monde.”
Ces 5 dernières années, plus de 20.000
familles, soit environ 90.000 personnes, ont été délogées à Rio, selon la
Mairie. Le maire lui-même a reconnu des abus, et a promis d’y remédier. Des
évictions restent programmées en vue des Jeux olympiques de 2016.
* Pour lire cette nouvelle de leur source
d’origine, cliquez ici.