Habitat International Coalition (HIC) et son Réseau pour les Droit au Logement et à la Terre (HLRN) condamnent la violence et les expulsions forcées en tant que violation flagrante du droit humain à un logement adéquat dans tous les contextes. Dans le cas de l’invasion de l’État souverain d’Ukraine par les forces de la Fédération russe, des millions de civiles se trouvent en première ligne de l’assaut militaire. Ils et elles subissent des coûts, des pertes et des dommages incalculables de leurs maisons, de leurs vies et de leurs moyens de subsistance, en raison des graves violations commises par la puissance envahissante.
Nous avons été témoins de rapports en temps réel de l’utilisation indiscriminée d’armes contre des bâtiments résidentiels, des villages et des communautés à travers l’Ukraine. Ces attaques russes sont interdites à la fois par le droit humanitaire international et par les normes des droits humains toujours en vigueur. L’invasion russe utilise toute une série de tactiques : systèmes de lance-roquettes multiples, missiles tactiques, attaques de chars et même des munitions à fragmentation largement interdites.
Dès les premières phases de la campagne russe, les avancées ont visé les logements civils dans et autour des villes de Borodyanka, Tchernihiv, Irpin, Kiev, Kharkiv, Kherson, Mariupol, Okhtyrka, Rivnopillya, Zhytomyr, entre autres[1]. De nombreuses habitations et infrastructures civiles, notamment des dépôts de carburant, des stations d’eau et des centrales électriques, sont attaquées ou sous la menace d’une attaque imminente. Les forces russes ont pris pour cible les infrastructures civiles, notamment les sources d’eau et les systèmes d’approvisionnement, les écoles, les hôpitaux, les dépôts de carburant et les centrales électriques, y compris les centrales nucléaires[2]. Les forces russes ont également tiré à balles réelles et employé de l’artillerie lourde contre des personnes déplacées, des abris et des demandeurs et demandeuses d’abri, au mépris des principes humanitaires les plus fondamentaux[3]. Les forces russes ont même ouvertement attaqué des civiles ukrainiennes faisant la queue pour obtenir du pain[4].
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de personnes déplacées à cause de ces crimes de guerre s’élève à au moins 3 millions, et le nombre total final est estimé à dix millions[5]. Aucun objectif militaire ne peut justifier ce terrible résultat humanitaire.
Les pays voisins ont absorbé des vagues de réfugiées à leurs frontières. Pendant ce temps, les agents frontaliers ont révélé leur compassion sélective en accueillant les réfugiées ukrainiennes, après avoir rejeté les réfugiées noires et de peau foncée victimes de situations similaires de déchirement causés par la guerre et des résidentes d’Ukraine à la recherche d’asile[6]. Ces scènes évoquent le souvenir du traitement ouvertement inhumain des réfugiées d’Asie occidentale aux mêmes frontières, notamment il y a à peine deux mois[7].
Le fait de prendre délibérément pour cible des habitations civiles, des infrastructures vitales et des civiles fuyant des opérations militaires, tout autant que le transfert de population, y compris la manipulation démographique, constituent des crimes de guerre prima facie, ainsi que des crimes contre l’humanité. Les troupes qui commettent ces crimes en portent la responsabilité individuelle, tout comme l’État fautif porte des obligations de réparations envers les États affectés et les victimes individuelles[8].
Nous dénonçons ces pratiques criminelles par toutes les parties prenantes, y compris les opérations analogues de l’OTAN, de ses États membres et de leurs alliés en Afghanistan, en Irak, au Liban, en Libye, au Nicaragua, en Palestine, au Panama, en Serbie, en Syrie, au Yémen et ailleurs. Ces exemples démontrent l’échec des relations internationales des États et des politiques étrangères, trop souvent pratiquées en tant que crime organisé transfrontalier. Le système mondial a besoin d’une transformation fondamentale, à commencer par le respect obligatoire et urgent du droit international tel qu’il est développé.
HIC et HLRN surveillent ces multiples violations de manière constante, violations qui font l’objet d’un suivi régulier enregistré dans la base de données des violations (VDB en anglais) de HLRN et, en particulier, sous la forme du rapport spécial « Conflits, occupation et guerre: violations des droits de l’homme liées à l’habitat depuis l’appel au cessez-le-feu mondial lancé à l’époque de la pandémie » (Conflict, Occupation and War: Habitat-related human rights violations since the pandemic-era call for a global cease-fire) publié lors de la Journée mondiale de l’Habitat en octobre 2021 portant sur les violations du logement et des terres dans le contexte des. Malheureusement, ce traitement thématique des violations des droits de l’homme dans le monde n’aurait pas pu être plus opportun.
Photo: Un enfant sur une balançoire devant un immeuble résidentiel de Kiev endommagé par un missile. Source: Getty Images.
Notes:
[1] The Visual Journalism Team, “Ukraine conflict: Before and after images reveal Russian destruction,” BBC News (3 mars 2022), https://www.bbc.com/news/world-europe-60610840.
[2] “Chernobyl and Zaporizhzhia power cuts: nervous wait as Ukraine nuclear power plants could start leaking radiation,” The Conversation (10 mars 2022), https://theconversation.com/chernobyl-and-zaporizhzhia-power-cuts-nervous-wait-as-ukraine-nuclear-power-plants-could-start-leaking-radiation-178975.
[3] “Russia-Ukraine war: Mariupol theatre sheltering ‘hundreds’ bombed,” Aljazeera (16 mars 2022), https://www.aljazeera.com/news/2022/3/16/war-rages-despite-glimmer-of-hope-in-russia-ukraine-talks; Human Rights Watch, “Ukraine: Russian Assault Kills Fleeing Civilians,” 8 mars 2022, https://www.hrw.org/news/2022/03/08/ukraine-russian-assault-kills-fleeing-civilians; Nadim Asrar, Nigel Wilson, Hamza Mohamed and Federica Marsi, “Ukraine latest updates: Civilian convoy leaves besieged Mariupol,” Aljazeera (14 mars 2022), https://www.aljazeera.com/news/2022/3/13/russia-ukraine-live-news-thousands-flee-via-evacuation-corridors.
[4] “Russian forces ‘shoot and kill 10 people queuing for bread’ in Chernihiv, US claims,” The Independent (16 mars 2022), https://www.independent.co.uk/news/world/europe/russia-ukraine-war-deaths-chernihiv-b2037094.html.
[5] Bart M. J. Szewczyk, “There Could Be 10 Million Ukrainians Fleeing Putin’s Bombs: Europe has opened its borders to the continent’s biggest exodus of refugees since 1945,” Foreign Policy (4 mars 2022), https://foreignpolicy.com/2022/03/04/ukraine-russia-war-refugees-10-million/.
[6] “Ukraine Crisis: Denying Shelter by `Race`,” HLRN News (3 mars 2022), http://hlrn.org/activitydetails.php?title=Ukraine-Crisis:-Denying-Shelter-by-`Race`&id=p2tsZQ==#.YjJ0OOrMJyw; “Europe’s different approach to Ukrainian and Syrian refugees draws accusations of racism,” CBC News/Associated Press (28 février 2022), https://www.cbc.ca/news/world/europe-racism-ukraine-refugees-1.6367932; Judith Sutherland, “ EU’s Generous Response to Ukraine Refugees Shows Another Way is Possible,” Human Rights Watch (9 mars 2022), https://www.hrw.org/news/2022/03/09/eus-generous-response-ukraine-refugees-shows-another-way-possible;
[7] Médecins sans Frontières, “MSF leaves Polish border after being blocked from assisting people,” 6 janvier 2022, https://www.msf.org/msf-leaves-polish-border-after-being-blocked-assisting-migrants-and-refugees.
[8] “Basic Principles and Guidelines on the Right to a Remedy and Reparation for Victims of Gross Violations of International Human Rights Law and Serious Violations of International Humanitarian Law,” A/RES/60/147, 21 mars 2006, http://www.hlrn.org/img/documents/A_RES_60_147 remedy reparation en.pdf.