L’histoire canadienne du logement communautaire

Lisa-Flor Sintomer* (novembre 2016)

Image source: Lisa-Flor Sintomer (novembre 2016) – www.vrm.ca

Au cours des décennies suivant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral canadien tenait une place centrale dans le développement de politiques sociales. L’aide au logement formait alors une des mailles, pour ainsi dire, du filet de sécurité. Cette aide était destinée aux vétérans au départ, puis aux familles et aînés qui avaient de la difficulté à accéder à un logement décent et abordable sur le marché privé.

Dans les années 1970, les premiers programmes fédéraux de logement « communautaire » ont vu le jour. Par opposition aux habitations du secteur public tels les « HLM », les logements communautaires étaient possédés et gérés par des organisations du tiers secteur. Il s’agit des organismes sans but lucratif (OSBL) et des coopératives d’habitation. Notons que certains OSBL d’habitation s’étaient donné pour mission de loger des clientèles plus vulnérables, telles les femmes victimes de violence conjugale, les personnes handicapées, etc. Plus de 260000 logements communautaires ont été réalisés entre 1973 et 1993 au Canada.

Après 1993, les gouvernements provinciaux ont pris les devants en matière de développement de nouveaux logements communautaires. Toutefois, le gouvernement fédéral honorait ses engagements financiers pour les logements déjà construits. Il a repris part aux nouvelles constructions au début des années 2000, essentiellement à titre de contributeur financier dans la mesure où les programmes étaient dorénavant conçus et mis en œuvre par les gouvernements provinciaux.

Mais revenons sur les 260000 logements communautaires bâtis entre 1973 et 1993. L’aide fédérale était accordée dans le cadre d’ententes appelées « conventions d’exploitation ». Elles consistent en un versement de subventions afin de pallier les revenus plus faibles tirés de certains logements, c’est-à-dire ceux loués en dessous de la valeur marchande à des ménages démunis. Ces conventions étaient à durée déterminée. Elles s’étendaient généralement sur une période de 35 ans, certaines jusqu’à 50, ce qui correspond au remboursement du prêt hypothécaire de l’organisation propriétaire. Une fois que la convention arrive à échéance, le gouvernement fédéral est libéré de ses obligations et n’est plus contraint de subventionner les logements existants.

Du point de vue du tiers secteur, l’échéance des conventions laissait poindre différents problèmes : manque de ressources des groupes communautaires pour continuer à offrir des logements très abordables ainsi que des services complémentaires, retardement des réparations pourtant nécessaires dues au fait que les bâtiments prennent de l’âge, etc. À l’échelle canadienne, le tiers secteur, des groupes de la société civile, ainsi que d’autres entités gouvernementales au niveau sous-national, ont fait des représentations auprès du gouvernement fédéral afin qu’il maintienne son appui financier aux logements existants.

En 2017, le gouvernement fédéral a lancé sa Stratégie nationale sur le logement. Réclamée depuis longtemps par les défenseurs du droit au logement, cette stratégie prévoit entre autres un prolongement des subventions pour les organisations du tiers secteur dont la convention prend fin entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2027. Notons que certaines organisations dont la convention est venue à échéance avant avril 2016 ont pu recevoir du soutien financier, par exemple de la part de leur gouvernement provincial, puis que d’autres ont suffisamment de surplus pour opérer sans aide externe. Cela était d’ailleurs l’objectif originel des premiers programmes fédéraux dans la mesure où l’arrêt de la subvention gouvernementale concorde avec l’arrêt des paiements hypothécaires par l’organisation propriétaire. Puisque ces paiements ne constituent plus une dépense dans les livres comptables des organisations, cela fait des heureux parmi les administrateurs souhaitant rénover leurs unités ou même mener des projets de développement pour répondre à la demande de logement abordable qui elle, rappelons-le, ne tarit pas.